Conception de la page
Un peu
d'histoire
Au commencement
Il y a très longtemps, environ trois siècles avant JC, la légende
raconte que les éléphants d'Annibal, se dirigeant vers les Alpes,
foulèrent le sable du Lido.
Bien avant l’ère chrétienne, les marins de Phocée, de Rhodes et de
Carthage connaissaient la mystérieuse cité de Pyrène, que mentionnent
les textes anciens mais dont on n’a jamais retrouvé de trace.
On la situe, selon les cas, sur l’emplacement de Collioure, Port-Vendres
ou Elne. Quand, au début de la seconde guerre punique, Hannibal eut
franchi les Pyrénées par les cols de la Perche et du Perthus, il se
trouva en face d’un peuple politiquement organisé, les Volsques. Le
Carthaginois discuta avec les notables réunis dans l’antique ville de
Ruscino, dont les vestiges subsistent entre Canet et Perpignan, et
obtint le droit de passage. L’une des clauses du traité prévoyait que
pour les délits dont ils se rendraient coupables, les gens d’Hannibal
seraient jugés par les femmes de Ruscino.
Les Romains, cent ans plus tard, occupent la totalité du littoral
méditerranéen. Ils rattachent le Roussillon a la Gaule Narbonnaise,
exploitent les eaux thermales (ils construisent les bains d’Amélie),
élèvent des monuments (dont un temple de Venus a Port – Vendres),
colonisent méthodiquement la région. On voit encore leurs divinités en
divers lieux : Mercure sur la façade de l’église de Theza et dans une
abside de l’église de Saint André de Sorède, Jupiter sur l’autel d’Angoustrine
et Apollo sur celui de Pezilla de la Rivière.
Rome s’écroule et les Barbares arrivent. Le roi wisigoth Athaulf tombe,
lui aussi, amoureux de sa captive Placidia, fille de Théodose le Grand,
et l’épouse a Narbonne. Passent ensuite les Arabes, les Francs de
Charlemagne (le souvenir de Roland et de son cheval se retrouve dans les
légendes roussillonnaises). Des siècles de guerres et de remous
politiques se succèdent.
Les invasions
Sarrasines
au
Moyen âge en
Languedoc-Roussillon
« Le
vent de l'islam, dit un auteur arabe, commença dès lors à souffler de tous les
côtés contre les chrétiens»
Au
Moyen âge,
on désignait sous le nom de Sarrasins les peuples
musulmans
des bords de la mer Méditerranée, composés principalement d'Arabes et de
Berbères, et à l'origine pendant près de trois siècles d'incursions, qui, avec
celles des
Vikings
et des
Magyars,
constituent ce qu'on appelle ordinairement
invasions
du Moyen âge.
Les Sarrasins
ont envahi la péninsule ibérique en 711. Profitant de l’effondrement de
l’empire wisigoth,
ils envahissent alors la
Septimanie
(Pyrénées-Orientales, Aude, Hérault et Gard), pour en faire une province dirigée
par un
wali
et dont la capitale était Narbonne.
Après que les
Sarrasins eurent conquis l'Espagne
sur les
Wisigoths
, en 711, ils passèrent les Pyrénées et envahirent la
Septimanie,
ou province de Narbonne est une région qui correspond approximativement à la
partie occidentale de l'ancienne province romaine de
Narbonnaise première.
Cette désignation issue de l'époque carolingienne est utilisée essentiellement
pour la période du VIIe siècle au
IXe siècle), Moussa s'empara de
Narbonne,
de
Carcassonne;
mais il n'osa pas pénétrer plus avant dans la Grande terre.
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En 718, les
Sarrasins envahirent le
Languedoc,
prirent
Nîmes,
et emmenèrent en Espagne un nombre immense de captifs.
En 721,
Al-Samh ibn
Malik al-Khawlani,
wali
(gouverneur)
, habile
politique, après avoir rétabli l'ordre en Espagne, vint assiéger Narbonne, la
prit et en tua les habitants; puis des hordes d'Arabes vinrent, suivies de leurs
femmes et de leurs enfants, s'établir dans le Languedoc, avec l'intention
d'occuper le pays.
En vain les
habitants du Languedoc essayèrent de reprendre Narbonne; une guerre à mort
s'engagea, et elle durait encore, sans avoir amené de résultat, lorsqu’Ambissa,
successeur d'AI-Samah, franchit les Pyrénées en 724. Carcassonne,
Nîmes,
tombèrent en son pouvoir.
Narbonne
devint dès lors la place d'armes des musulmans en France. Son port assurait
leurs communications avec la mer, et sa forte position pouvait les rendre
maîtres du pays.
En vain les
habitants du Languedoc essayèrent de reprendre Narbonne; une guerre à mort
s'engagea, et elle durait encore, sans avoir amené de résultat, lorsqu’Ambissa,
successeur
Al-Samh ibn Malik al-Khawlani,
franchit les Pyrénées en 724. Carcassonne,
Nîmes, tombèrent en
son pouvoir, et toute la Septimanie.
L'an 724, les
habitants de Nismes, tous Chrétiens, reçurent la Religion de Mahomet, par
le moyen des Sarrasins qui étaient revenus d’Espagne, dont ils s’étaient rendus
les maîtres, et qui étaient sortis du Royaume de Fez.
Peu de temps après, le royaume des Francs, gouverné depuis peu par
les Carolingiens, réagit et la progression des Arabes est arrêtée,
en 732 par Charles Martel à Poitiers. Pépin le Bref, le fils de ce
dernier, reprend Narbonne en 752 et son petit-fils Charlemagne fit
la conquête de la Catalogne en 801. Cependant, jusqu’au début du XIè
siècle, les Arabes conduiront encore des raids par terre ou par mer
en Languedoc comme en Provence. Leur présence sédentaire se
maintiendra d’ailleurs pendant près d’un siècle en Provence, dans le
massif des Maures, jusqu’en 972. |
Alors qu'aux alentours du XIVe siècle, les templiers firent
assécher une partie du Roussillon et de la Salanque (en particulier en
élevant des digues autour de l'Agly), la péninsule était laissée de
côté, les moyens techniques de l'époque n'étant pas suffisamment
développés pour y permettre un habitat correct.
Cette étroite bande de terre située entre l'étang de Salses et la mer est de
tout temps restée insalubre
Dès le moyen-âge, des familles de pêcheurs y vivaient l'été, puis
l'hiver venant, il se repliaient vers le village de St Laurent de la
Salanque.
Ainsi "El Barcarès" était comme on le retrouve sur des cartes du 18e
Siècle "
le refuge des barques " de cette commune, où l'on
retrouve encore sur d'anciens registres d'actes civils des mentions du
type : "Né au Barcarès de cette commune". " Le refuge des barques "
accueillait donc les pêcheurs, qui, surpris en mer par la tempête,
accostaient en catastrophe en attendant le retour au calme.
En 1780, le Barcarès figurait sur la carte sous le nom de Port de barques.
Ce ne fut qu'au cours de ces deux derniers siècles qu'un véritable
commerce a pu s'installer.
Tour a tour, rattachée à l’Espagne, à la France, au comte de Barcelone,
au royaume d’Aragon, engagée dans la guerre des Albigeois, la province
n’est vraiment indépendante que durant la brève dynastie des rois de
Majorque (1276 – 1344) dont le palais se trouve à Perpignan.
Le changement
Tout commence à
changer à partir du XVIIe
siècle. .
Ancienne province de France, espagnole à partir de 1172 (Comté de
Barcelone, royaume de Majorque, puis royaume d'Aragon), annexée par la
France de 1463 à 1493.
Les
tribulations du Roussillon ne cessèrent qu’en 1659, lorsque le traité
des Pyrénées le rattacha définitivement a la France.
En 1659 le traité des Pyrénées est signé, officialisant la frontière non
plus à la limite du Fenouillèdes mais sur les crêtes pyrénéennes.
Le Fenouillèdes, auparavant français, devient le lien naturel entre les
catalans et les français. L'économie de la vallée de l'Agly se
multiplie, et avec lui les moyens de transport. C'est ainsi qu'un port
fut aménagé là où seules quelques maisons légères étaient construites,
sur la péninsule.
Sous la dépendance naturelle de St Laurent de la Salanque, ce port verra
transiter de nombreuses marchandises telles le vin, l'huile, les
fruits, le poisson... et le sel, denrée réglementée à l'origine d'une
révolte en Vallespir.
Barcarès, comme son nom l'indique, fut le Barcarès (en catalan :
refuge des barques) de Saint-Laurent de la Salanque, de Canet, Argelès
et de Saint Cerbère. Cette partie de la côte battue par les vents et
parsemée d'étangs et de marécages n'était guère propice à la présence
d'un habitat ancien, seuls quelques groupes de pêcheurs avaient implanté
leurs cabanes "Barracas"
de " Senills"
(roseaux) et vivaient de leur pêche.
http://www.languedoc-roussillon.culture.gouv.fr/fr/0index/01actu/dossier_ethnologie/cabanes/page5.php
Les cabanes des pêcheurs du Roussillon
(Article rédigé à partir du
rapport de Robert Bataille-Barragué :
L'habitat en roseau traditionnel – Les barraques de sanills
des pêcheurs roussillonnais )
En
Pyrénées-Orientales, dans la plaine côtière du Roussillon, les barracas de senill (terme catalan qui désigne la sagne, le « phragmite commun » qui
pousse en abondance au bord des étangs), ont longtemps constitué,
pour les pêcheurs qui exerçaient leur métier de manière
traditionnelle, entre mer et lagune, à la fois un mode d'habitat et
un outil de travail.
Isolées ou regroupées en hameaux, ces barracas dont il
existe encore quelques exemples, sont les derniers témoins d'un mode
de construction qui était répandu sur tout le littoral sablonneux de
la côte méditerranéenne.
Etonnamment modernes par leur principe isothermique, leur adaptation
au milieu écologique et leur intégration esthétique à leur
environnement, les barracas répondaient parfaitement à leur fonction originelle d'habitat-outil
de travail, tant les pêcheurs les considéraient comme le
prolongement naturel à terre de leurs bateaux.
Un
mode d'habitat ancien et saisonnier
Les activités halieutiques autour de l'étang de Salses sont
attestées depuis le néolithique. L'utilisation du roseau, notamment
dans les toitures de l'habitat du pourtour méditerranéen, remonte au
moins au Ve siècle avant J-C.
Les cabanes en roseaux et en joncs n'étaient pas limitées aux
Pyrénées-Orientales : dès le Moyen-âge et jusqu'au XIX ème siècle,
leur présence est largement signalée sur tout le littoral
languedocien et catalan.
Il y en avait également non loin de Palavas, à l'embouchure du Lez,
en témoigne un tableau de Gustave Courbet, Souvenirs de Les
Cabanes (1854).
C'était un type d'habitat généralement saisonnier : Les barracas côté mer étaient utilisées pendant l'été, et côté étang, pendant
l'hiver. Les pêcheurs y passaient la semaine, ne rentrant au village
que le dimanche.
Aujourd'hui, ils n'y passent plus que la journée, ou les fins de
semaine. Quelques uns y rangent encore leur matériel ( trabaques, crocs, filets, voiles
de bettes ).
Autrefois liée à des pratiques traditionnelles, la barraca est désormais devenue essentiellement un lieu de détente et de
convivialité. On y vient surtout le dimanche, en famille ou entre
amis, boire un verre de vin ou manger la bulinada , le plat
traditionnel à base d'anguilles bouillies.
Matériaux et construction
A l'origine, les barracas étaient auto-construites avec des matériaux tirés
du milieu naturel, car cet habitat, par essence précaire, devait
être peu coûteux, et les pêcheurs utilisaient ce qu'ils trouvaient
sur place, à portée de main.
• Les
senills (
arundo phragmite, roseau commun des marais, sagne )
: On choisit de préférence des
pousses de l'année, qui sont fauchées à la fin de l'été, quand les
feuilles sont épaisses. Assemblés en fagots et rapportés en barque à
l'endroit de construction, ils mis à sécher pendant plus d'un mois.
• Les canyas ( arundo donax ,
canne de Provence,)
: devant être assez gros et longs, les
roseaux sont coupés quand ils ont trois ou quatre ans, de préférence
en hiver et à la lune vieille, pour assurer une meilleure
conservation et une plus grande longévité.
• Les matériaux de récupération : si
les pêcheurs les plus aisés se fournissaient à la coopérative
agricole du village en bois de châtaignier imputrescible, on
utilisait en général pour la charpente, des vieux mâts de barque
catalane, des pièces de quille, des bordés, ou, dans un passé plus
récent, des poteaux électriques téléphoniques, ou des traverses de
chemin de fer ; les bois flottés ramassés au bord de l'étang, de la
mer ou près des embouchures de rivière servaient à l'ossature. Et
quand les matériaux naturels se sont raréfiés, carton goudronné,
bidons déroulés, la tôle ondulée… leur ont été substitués.
-
Les différents types de barracas
Deux types dominent :
• La barraca ovale à deux absides :
C'est la plus classique. Elle est appelée à coquilla. Son
aspect extérieur évoque celui d'une coque de bateau retournée.
Témoigne de cette identification à l'embarcation, le vocabulaire
emprunté à la charpente maritime qui décrit les éléments la
composant, comme par exemple : la carena , poutre de
faîtage, reposant sur deux mâts, als puntal , fichés dans
le sol (en Catalan, puntal signifie « creux de la coque).
• La barraca rectangulaire : moins
aérodynamique que la première, sa coupe verticale ne présente pas la
triangulation que constituent les absides. Les petits côtés du
rectangle font façades verticales avec pignon. Devant être plus
longue, la carena est souvent composée de plusieurs longueurs
raboutées et quatre mâts la soutiennent.
Un troisième type, hybride, ne présentant qu'une seule abside
semi-circulaire côté au vent, a existé, mais n'est plus représenté
aujourd'hui.
-
Constantes architecturales
L'emprise au sol de la barraca est délimitée
par une rangée de pieux, de 1,70 à 1,80 m de hauteur, appelée la
piquetade dont la partie enterrée est goudronnée. Deux piquets, plus
gros, délimitent l'emplacement de la porte.
Le sommet de la piquetade est relié par une ceinture sablière de
perches horizontales. Une fois posée la carena et sa
charpente, on fixe sur tout l'ensemble un clayonnage horizontal de
canyes.
La couverture
Les
senills rassemblés en
bottes d'une trentaine de centimètres d'épaisseur sont alors fixés
sur le clayonnage. Le recouvrement commence toujours par le
Nord-Ouest et par le bas afin de protéger la partie sud-est de la barraca plus souvent exposée à la pluie apportée par le vent
marin, et d'assurer un meilleur écoulement de l'eau.
La première rangée de senills est disposée pieds en terre, dans une
petite tranchée, les couches suivantes superposées, la tête vers
bas. Cette couverture est cousue au clayonnage avec du fil de fer,
si possible galvanisé, au moyen d'une longue aiguille de fer ou de
tamaris. Côté extérieur, des faisceaux constitués de trois ou quatre
tiges de canyas cerclent horizontalement la couverture de senills.
Posée en trois couches successives, cette couverture est refaite
tous les trois ou quatre ans. Elle offre d'excellentes qualités
isothermiques : par temps sec, les roseaux se contractent, assurant
ainsi la ventilation de la barraca , et par temps de pluie, ils gonflent, lui offrant
ainsi une parfaite étanchéité.
L'orientation
La barraca est toujours orientée comme un bateau au
mouillage, dans la direction des deux vents dominants, tramontane et
vent marin, diamétralement opposés : W.N.W. / E.S.E.
Les ouvertures
Traditionnellement, la seule ouverture est la porte à deux vantaux
ménagée sur la façade sud-ouest, mais les barraques rectangulaires
sont souvent pourvues, sur leurs petites façades, d'une fenêtre de
la dimension d'une caisse d'abricots, garnie d'une moustiquaire et
d'un mantelet de sabord.
L'aménagement
intérieur
L'intérieur de la barraca est généralement divisé en trois pièces séparées
par des cloisons transversales faites, souvent, d'un treillage de
canyas, de simples rideaux de toile servant de portières.
La pièce centrale sert de cuisine et pour le stockage alimentaire. A
l'origine, un petit foyer était aménagé à même le sol au milieu de
la pièce, et la fumée s'échappait par le vantail supérieur de la
porte. Après la dernière guerre, des cheminées maçonnées ont été
installées contre la cloison nord-ouest.
En règle générale, la pièce sud-est sert de chambre aux parents, et
la pièce nord-ouest est réservée aux enfants et aux rangements de
matériel.
L'aménagement des
abords
La barraca s'inscrit en étroite relation avec son environnement :
• la trinxeille (levée d'algues) :
l'orientation NW .SE des barracas et leur forme aérodynamique provoquant un écoulement
laminaire des vents le long de la carène, le bas de la structure est
parfois protégé par une levée pouvant dépasser un mètre de hauteur.
Cette levée est constituée d'une piquetade plantée à environ un
mètre des murs et sur laquelle sont entrelacés des branches de
tamarins. Le vide est ensuite rempli de sable coquiller mêlé à des
algues.
• le puits
: situé en général en contrebas de la barraca
, il est souvent commun à plusieurs familles. Lorsque l'eau
est saumâtre, elle ne sert qu'à la cuisine. L'eau potable est alors
apportée du village ou des mas avoisinants, dans des bonbonnes de
verre ou des jarres.
• le répar et l'ombrère : côté
nord-ouest, une haute palissade de canyes ( répar), longue
de quatre à cinq pas, est construite perpendiculairement à la
barraca pour protéger de la tramontane. Parfois, un toit en auvent ( ombrère ) la complète, qui abrite du soleil.
• l'estranadou
: alignements de perches fixées horizontalement
sur des piquets et sur lesquels les filets étaient mis à sècher
après teinture.
• l'encanyssat
: clôture de joncs cernant l'ensemble de la
barraca, ou abritant parfois un petit jardin potager
• l'agulha
: petit port artificiel permettant de laisser les
bettes à
flots, amarrées à l'estacade de l'abri. Un petit débarcadère en
planches complétait parfois ces mini installations portuaires,
souvent communes à plusieurs barraques.
Certaines espèces végétales sont toujours associées à la barraca : l' Arroche ( arns d'Afrique ) qui sert
à fixer les levées d'algues autour de la barraca et offre une
barrière supplémentaire contre le vent, le tamaris
dont le maigre feuillage ménage des zones d'ombre
légères et dont le bois sert pour le feu car il brûle sans éclater,
et le figuier,, symbole de convivialité et
de vie.
-
La famille Canal : pêcheurs de père en fils
Dans la famille Canal, on pêche de père et en fils, et cela depuis
plusieurs générations, comme l'attestent les archives de l'Amirauté
de Collioure : « Le 3 décembre 1774 : « les fils de P.Canal et de F.
Ferrer… s'en furent bien avant dans l'étang pour y pêcher malgré le
mauvais temps… Mais la barque doit être abandonnée dans l'étang
après que les dits s'en furent sur d'autres barques ».
A la fin du XIXe siècle, les Canal sont aisés. Ils possèdent
plusieurs maisons au Barcarès, et pour eux, la construction d'une
nouvelle barraca à l'étang est considérée comme celle d'un nouveau
bateau. C'est un outil de travail, et une résidence secondaire de
travail qui s'inscrit dans le cycle binaire de l'activité
halieutique locale : en été, la pêche en mer, principalement au
sardinal , et en hiver, la pêche
en étang.
-
La construction de la barraca aux environs de 1919
A la fin des années 1910, le jeune André Canal (1891-1932), dit
Andrenot, habite avec son épouse, le premier étage de la maison de
son père au Barcarès. A l'étang, il n'entend pas partager la barraca
paternelle, et s'il n'a pas besoin d'une barraca qui lui tiendrait lieu d'habitation principale – comme c'est le
cas de beaucoup d'autres pêcheurs – sa construction est un moyen
d'affirmer sa maturité vis-à-vis de son père. Il en va de même
professionnellement car il peut acquérir à moindre frais son
matériel de pêche en étang qui lui garantira son indépendance, alors
qu'à la mer il est embarqué sur la barque catalane de son père, le Friedland .
Andrénot choisit de construire une barraca ovale à deux
absides semi-circulaires, le modèle le plus traditionnel. Les deux
mats semblent être des troncs de bois flottés probablement ramassés
sur la plage côté mer, et transportés par charrette à la Coudalère.
C'est avec son père, qu'il va chercher en bette les senills, à l'ouest de l'étang, au lieu-dit « la
Sanye », entre Saint-Hippolyte et Salses.
Dans un premier temps, le feu est aménagé au centre de la pièce
comme le veut la tradition. Peu après, sur les instances de son
épouse, Andrénot cimente le sol, laissant le foyer creusé au centre
de la pièce et fabrique, avec des planches, un lit clos surélevé,
pourvu d'un matelas d'algues. Enfin, à l'occasion d'un
renouvellement de la couverture de senills, il construit une
cheminée maçonnée en brique et en plâtre.
C'était aux environs de 1925, et sa fille, Anne, qui devait alors
avoir six ans, n'a jamais oublié sa fierté d'avoir une barraca plus « civilisée » que les autres, tout en senills dorés et avec une
cheminée «comme à la maison ».
La famille Canal partait le lundi matin à la Coudalère pour y rester
jusqu'au vendredi soir. Il fallait un peu plus d'une heure pour
atteindre la barraca , d'abord à pied, puis avec le cassou pour
contourner la pointe caillouteuse de la Coudalère. On emportait
toutes les provisions nécessaires : pommes de terre, vin, fil à
raccommoder, etc. Il y avait aussi de la viande, mais peu, car le
produit de la pêche (anguilles et poissons) assurait la base de
l'alimentation : bulinada,
et coubeils (poissons ou anguilles fumés, fichés sur un
ast, sorte de pique calée presque verticalement au-dessus du feu
dans la fumée). L'eau de cuisine était tirée d'un puits, vaguement
saumâtre. L'eau potable, transportée en bette, venait soit du Mas de
l'Ille soit du lieu dit « la Font d'al Port ».
Jusqu'à l'âge d'être scolarisés et pendant les vacances, les enfants
viennent à l'étang. Quand ils commencent à aller à l'école, ils
habitent au village, chez leur grand-mère, sauf le jeudi où ils sont
à la
barraca . Le lit clos, au matelas d'algues, au dessus
des filets, dans l'abside sud-est leur est réservé, tandis que les
parents dorment dans l'abside ouest, derrière la cheminée, sur un
lit de fer qu'Andrenot a tenu à installer pour sa femme.
Pendant la saison d'été, Andrenot pêche souvent la nuit, au rythme
du sardinal. Il a fait construire le
Vigilant , puis acheté le Jean Bart .
L'automne venu, la pêche à l'étang commençait : anguilles, muges,
loups, soles...
Comme toutes les femmes de pêcheurs, Pauline, l'épouse d'André Canal
s'occupe de la cuisine, fait la vaisselle au bord de l'étang avec
une poignée d'algues.
Elle répare également les filets pendant ses moments libres, mais sa
tâche principale est de transporter et de vendre la pêche. C'est
elle qui assure ainsi le lien avec le village.
Alors que les hommes pêchaient à l'étang sur des bettes , les femmes
disposaient des cassous transporter les poissons.
Certaines d'entre elles ne sachant pas nager et craignant de mener
un cassou seules, le plus souvent elles faisaient le voyage à deux
ou à trois.
André Canal meurt en 1932 dans la maison familiale. Sa veuve a 36
ans. Elle vend le
Jean Bart mais garde le Vigilant , bateau
emblématique de la famille, qu'elle confiera à Jean Roses dit « le
Passot ». Pauline Canal, qui n'a jamais aimé vivre à la barraca , se lance avec succès dans la fabrication et la
vente de filets au rez-de-chaussée de la maison de son beau-père.
-
La seconde vie de la barraca d'Andrénot
André, le fils, n'a que 15 à la mort de son père. Trop jeune pour
commander, il embarque l'été sur le Vigilant , et reçoit à
son tour le surnom de « l'Andrénot ». En hiver, il retourne à
l'étang, où il est pris en charge par son oncle paternel Aimé. Il
habite parfois à la barraca et contribue à son entretien.
A la fin des années 1930, il épouse Paulette Roses, la fille du
« Passot », le patron du Vigilant dont il a hérité entre temps.
Le temps de la guerre
Le 12 novembre 1942, les Allemands occupent le Barcarès et font
creuser un chenal le long du chemin de la brèche, large de 20 mètre
et profond de 3 mètres, destiné à bloquer à d'éventuels chars
l'accès vers le nord. Ils incendient les barracas du
lieu-dit « le Maroc », au nord du village et font sauter le pont du
Grau St Ange sur la route du lido. Le village fut même évacué de
février à août 1944 par crainte du débarquement.
Après la guerre
Lorsque la vie reprend en 1945, beaucoup de choses ont changé. En
mer, la pêche au sardinal est suplantée peu à peu par la pêche au lamparo . A l'étang, Andrénot a gardé la bette « grosse »
Aube , la bette « petite » vigilant I et le
cassou Vigilant II .
En hiver, il y reprend la pêche, comme avant, mais le chenal creusé
par les Allemands oblige désormais à traverser en barque du casot
d'en barratot à Coudalère.
Le Pont du Grau est bientôt reconstruit. Le lundi matin et le
vendredi soir, on va désormais à la Coudalère avec une mule et en
jardinière en passant par le lido et le mas de l'Ile. Dans les
années 1950 un essai de riziculture a lieu près du mas de l'Ille :
c'est un échec mais il en restera quelques forages de puits
artésiens où les pêcheurs de Coudalère viennent puiser leur eau
douce, transportant les bonbonnes sur la « jardinière ».
Bientôt, le poissonnier vient en camionnette jusqu'aux barraques.
Paulette garde les enfants à la maison et reste plus souvent au
Barcarès. Andrénot rentre chaque soir, d'abord en vélo, puis en 2
CV.
Ce changement de vie n'est pas sans incidence sur le travail.
Désormais, pour éviter le vol des filets, la rouscle (teinture des
filets de coton dans une décoction d'écorces de pin)ne se fait plus
à l'extérieur, mais dans la barraca , où une pile en ciment (plan d'égouttage rectangulaire
bordé d'un rebard) est creusée et cimentée, à gauche de la porte.
Andrénot transforme le lit clos des enfants en remise à filets. Le
dessous du lit servira au stockage des souches et sarments pour le
feu. Pour augmenter son espace de rangement, il rajoute un plancher
à mi-niveau de la hauteur, sur la partie gauche de l'abside S.E..
Si ce n'est pour quelques boullinades de jours de fête, la famille
ne vient plus à la barraca .
En Octobre 1988, Andrénot décède d'une crise cardiaque.
Depuis 1994, la barraca fait l'objet d'une protection au titre des
Monuments Historiques
Un habitat menacé
Habitats temporaires et précaires, les barracas du
Roussillon sont particulièrement menacées. En 1957, on en dénombrait
encore plus de 130, entre Leucate et Argelès. Suite à l'aménagement
du littoral engagé depuis les années 1960 qui entraîna la
destruction de plusieurs villages de cabanes, et au développement de
la grande pêche, il n'en subsiste plus aujourd'hui que quelques
exemples autour de l'étang de Salses, et au Barcarès.
Le problème récurrent des barracas vient toujours du statut foncier, car pour la plupart,
elles sont installées sur le Domaine Public Maritime et les pêcheurs
ne sont jamais propriétaires du sol.
• 1691
: Ordonnance royale de Colbert autorisant des
constructions légères sur terrain maritime pour les besoins de la
pêche.
• 1928
: Arrêté préfectoral à concession temporaire qui
autorise l'installation d'une tente ou d'une cabane sur le Domaine
Public Maritime pendant la saison de pêche.
• 1960
: Arrêté préfectoral interdisant « ces
baraquements faits généralement de roseaux… considérant que la
prolifération de tel taudis compromet gravement l'esthétique des
plages »
• 1961
: l'aménagement du littoral entraîne la d
estruction des villages de cabanes à St Cyprien et Port Barcarès. G.
Candilis, architecte en chef de l'aménagement de Port Barcarès,
déclarera plus tard « … Il s'agissait de transformer entièrement
un site sans caractère, un désert amorphe… » ( L'édition
spéciale Port-Barcarès , 1970)
• 1976
: Le Bourdigou (commune de Sainte Marie de la Mer),
village de 450 barracas en senill et cabanes en planches
incarne la résistance des cabaniers. Un arrêté d'insalubrité est
pris suivi d'expulsions et de condamnations des familles par le
tribunal pour occupation sans titre des terrains. Un comité de
défense se crée et une paillote symbolique est construite. La
dernière baraque, celle de Galdric, le « maire » du Bourdigou sera
détruite au bulldozer après sa mort, en 1983.
Le directeur de la Mission Interministérielle de l'Aménagement du
Littoral déclarera dans l'hebdomadaire « Sud » : « Il ne
faut pas considérer l'aspect sociologique de la baraquette. Dans ce
domaine, on se laisse aller à des fantaisies qui n'ont rien à voir
avec la réalité. Il faut assainir tout cela. Nous devons améliorer
l'image de marque du littoral pour l'ouvrir au tourisme
international » (cité dans Libération, 26 novembre 1976).
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La protection des barracas
• 1978
: Première tentative de protéger quelques cabanes :
La Commission Supérieure des Monuments Historiques examine le
dossier.
• 1994
: Sur la base de l'étude de Robert
Bataille-Barragué, L'habitat en roseau traditionnel – Les barraques de sanills des
pêcheurs roussillonnais , initiée par la DRAC
Languedoc-Roussillon dans le cadre d'un programme de recherche
interrégional sur le patrimoine maritime et lagunaire, deux baraques
sont proposées à l'inscription à l'Inventaire Supplémentaire des
Monuments Historiques :
- La barraca de la famille André Canal, sur la commune du Barcarès,
au lieu-dit La Coudalère)
- La barraca de la famille Cabrol, sur la commune de Salses
L'arrêté d'inscription repose sur la filiation attestée par la
recherche archéologique entre cet habitat en sagnes et l'habitat
néolithique du littoral, l'intérêt ethnologique de cet habitat lié à
la pratique de la pêche en étang et sur la fragile représentativité
de cet habitat réduit aujourd'hui à quelques rares exceptions.
En l'espace de 30 ans, l'image de la baraque a changé de manière
radicale. Détruite au nom des impératifs touristico-économiques et
d'une sorte d'hygiénisme social et urbanistique dans les années
1970, elle a été réhabilitée symboliquement par le classement
Monuments Historiques, le plus haut degré de légitimation
patrimoniale… Même s'il peut paraître paradoxal de protéger de
l'architecture éphémère.
(Article rédigé à partir du rapport de Robert Bataille-Barragué :
L'habitat en roseau traditionnel – Les barraques de sanills des
pêcheurs roussillonnais )
Le commerce
Ce ne fût qu'au cours de ces deux derniers siècles qu'un
véritable commerce pût s'instaurer. En effet, une certaine sécurité
en Méditerranée retrouvée et l'aménagement de l'embouchure de l'Agly
offre un abri sûr aux embarcations des pêcheurs. Les balancelles et
tartanes à voiles latines peuvent ainsi transporter les vins de
Rivesaltes et les poteries de la Salanque vers Sète et Marseille.
Cet accroissement maritime va entraîner l'installation d'une
batterie de douanes à partir de 1800. Peu à peu les habitations en
dur font leur apparition et se groupent autour d'une petite église.
Vers le milieu du 19e Siècle on peut y dénombrer quelques petites
entreprises artisanales.
L'activité maritime se tourne alors exclusivement vers la pêche en
mer au filet dérivant, la pêche littoral à " l'art ", sorte de senne
que l'on hale à partir du rivage et la pêche au " boeuf ". A la
mauvaise saison, après la campagne de pêche en mer, les marins du
Barcarès se replient sur le bord de l'étang pour y pratiquer la
pêche à l'anguille.
Au 17ème siècle avec le développement économique de la vallée de
l'Agly, ces hameaux de maisons de roseaux "Barracas" furent
transformés en port de commerce. Vin, huile d'olive, fruits,
poissons et sel étaient conservés, stockés et ensuite transportés
par des caboteurs à voile vers Marseille Sète ou Barcelone. |
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Malheureusement, un déclin s'amorce avec le développement de
Port-Vendres desservi par la ligne ferroviaire Narbonne-Cerbère, puis
s'accentue avec le détournement de l'Agly de son embouchure, à un
kilomètre au sud du village, sous prétexte que les crues nuisaient aux
vignes riveraines, propriétés de quelques notables Laurentins.
Cette étroite bande de
terre située entre l'étang de Salses et la mer est de tout temps
restée insalubre. Alors qu'aux alentours du XIVe
siècle, les templiers firent assécher une partie du Roussillon et de
la Salanque (en particulier en élevant des digues autour de l'Agly),
la péninsule était laissée de côté, les moyens techniques de
l'époque n'étant pas suffisamment développés pour y permettre un
habitat correct. |
Carte du département en 1650 |
Activités portuaires